L’île d’Ouessant, située à l’ouest de la pointe du Finistère, est une terre particulière. Paysage naturel battu par les vents, façonné par des générations d’ouessantins. Les hommes étaient en mer tandis que les femmes faisaient vivre la famille avec une mini-ferme.
L’agriculture a été quasi abandonnée dans les années 1970, et la nature a repris ses droits dans les zones cultivées. En effet, prunelliers, ajoncs, lierres, ronces et fougères envahissent peu à peu les murets et les lopins de terre agricole. La nature originelle est toujours existante, notamment sur tout le littoral qui représente en lui-même un écosystème original et très bien adapté à un climat rude, qui permet de voir souvent les quatre saisons sur une même journée !
Avec sa particularité et sa richesse, l’écosystème ouessantin accueille bon nombre de pollinisateurs sauvages, mais aussi une abeille mellifère, l’abeille noire, Apis mellifera mellifera.
Cette abeille, sans doute présente historiquement, avait disparu d’Ouessant. Et c’est grâce à la ténacité d’un ouessantin visionnaire, Georges Hellequin, qu’elle a été réintroduite en 1978.
G. Hellequin, voyant arriver l’acarien Varroa destructor sur le continent, a voulu préserver non seulement la génétique de l’abeille noire issue du Finistère mais aussi la santé de cette abeille, en la protégeant de cet acarien qui est à l’origine d’une bonne partie des mortalités des abeilles dans le monde. Aujourd’hui, hélas, l’abeille noire d’Ouessant n’est plus indemne de Varroa destructor : ce parasite est arrivé sur l’île sans doute courant 2020.
L’Abeille noire est l’abeille sociale mellifère indigène de l’ouest européen, très adaptée à son environnement car elle a co-évolué avec celui-ci depuis environ 15 000 ans. A Ouessant, les abeilles vivent dans un écosystème préservé de l’utilisation importante des pesticides, un écosystème hébergeant une biodiversité végétale riche, endémique et originale.
Cette abeille noire ouessantine, pure génétiquement, est une vraie pépite qu’il nous faut absolument préserver. L’association ACANB y mettra toutes ses forces en déclinant ces quatre mots clés :
CONSERVATION – INSULARITÉ
SENSIBILISATION – TRANSPARENCE
Les objectifs de conservation sont doubles. Il faut préserver la génétique de cette abeille noire d’Ouessant, tout en étudiant sa diversité afin de la préserver et d’assurer la biosécurité de ce territoire insulaire pour éviter toute intrusion de bio-agresseur exotique ( Aethina tumida…).
La particularité insulaire d’Ouessant est une force dont il faut se saisir et l’ACANB dont l’action a reposé essentiellement sur des apiculteurs continentaux -à juste titre puisque Ouessant n’avait aucune culture apicole- doit développer son action sur l’île avec les Ouessantins.
Aujourd’hui plus qu’il y a quarante ans, l’ACANB, qui a veillé à conserver une abeille noire pure génétiquement, constate qu’il lui est indispensable de faire le lien avec les questions environnementales, d’où son souhait de participer à la sensibilisation à celles-ci des 100 000 visiteurs qui parcourent Ouessant chaque année.
Tout cela doit se faire dans un souci de transparence. Gage de bon fonctionnement de notre association et donc de la réussite d’un programme ambitieux, cette transparence sera déclinée à tous les niveaux.
CONSERVATION
L’abeille noire est présente à Ouessant depuis quelques décennies. Les analyses effectuées en 2020 révèlent que nous possédons une souche d’abeilles noires génétiquement pure à 99%. Du fait de l’isolement insulaire, elle a été préservée de l’hybridation avec d’autres souches d’abeilles importées d’Italie, de Grèce, d’Europe centrale, etc. En raison de son patrimoine génétique, elle s’est adaptée à l’écosystème particulier d’Ouessant, au climat, en régulant le fonctionnement des colonies.
On peut opposer à cette situation celle du continent. Nombreux sont les endroits où l’abeille a subi un tel brassage génétique que la souche abeille noire n’existe pratiquement plus. Or beaucoup d’apiculteurs, amateurs et professionnels souhaitent renouer avec cette abeille parce qu’elle est rustique donc économe, nécessite peu d’interventions au rucher, et parce qu’elle est douce, quoi qu’on en dise. Il n’est pas besoin d’expliquer par ailleurs, l’intérêt qu’elle suscite auprès des scientifiques qui travaillent sur la biodiversité.
Notre rôle est de la préserver et de la conserver au plus proche de son état initial. Pour ce faire, nous mettons en œuvre les actions suivantes :
- Adhérer à la FEdCAN (Fédération Européenne des Conservatoires de l’Abeille Noire).
- Veiller à conserver le meilleur environnement (faible pollution sur l’île). Les analyses du miel et du pollen permettent d’en attester la pureté.
- Faire barrage à tout apport extérieur d’abeilles et de tout matériel génétique (sperme) susceptibles d’apporter des agents pathogènes et de porter atteinte à la pureté de l’abeille noire d’Ouessant, en assurant la biosécurité du cheptel apiaire de l’île. Des arrêtés municipal et préfectoral interdisent l’importation d’abeilles, quelles qu’elles soient, sur les îles d’Ouessant et de Molène. Notre association sera attentive à l’application de ces arrêtés.
- Adapter notre pratique apicole afin de préserver la meilleure conservation possible de l’abeille noire. Ceci se fera en collaboration avec les scientifiques et les généticiens du CNRS.
- Diffuser cette génétique auprès des scientifiques pour leurs travaux ainsi qu’auprès des apiculteurs professionnels, de loisirs et des écoles d’apiculture qui souhaitent renouer avec l’abeille noire, rustique, douce et nécessitant peu d’interventions.
- Conserver de manière pérenne et accessible les données d’élevage (lignées, etc) et les analyses effectuées par les laboratoires à la demande de l’ACANB depuis trente ans afin que les générations futures puissent s’y référer.
INSULARITÉ
Ouessant n’ayant pas de culture apicole, l’ACANB s’est développée, au décès de Georges Hellequin, grâce à quelques apiculteurs du continent. Aujourd’hui, tout en gardant l’appui de ces apiculteurs, l’Association souhaite renforcer son ouverture sur Ouessant et avec les Ouessantins en proposant diverses collaborations et une meilleure communication :
- En proposant ses services pour accompagner les apiculteurs ouessantins qui le souhaitent : quelques ouessantins et des personnes ayant des résidences secondaires sur l’île ont déjà une ou plusieurs ruches. Ces personnes ont souvent peu d’expérience en apiculture. Notre association peut les accompagner et les aider dans la gestion de leur(s) ruche(s), notamment pour veiller au respect du bien-être animal, de la biosécurité et mieux appliquer les règles sanitaires.
Il sera ainsi possible de fournir, à prix public, à ces personnes, des colonies, sous réserve de respecter des quotas à définir. En effet, Ouessant ayant une surface de 15 km2, le nombre de colonies sur l’île doit être limité. L’établissement d’un conservatoire indépendant sur l’archipel Molène-Ouessant doit pouvoir nous aider à établir des règles de répartition.
Notre association proposera des services communs : confection de la cire, achats de pots, etc. Le regroupement de la cire permet de faire réaliser des feuilles de cire sur le continent avec uniquement la cire de l’île. Il pourra également être proposé un rucher partagé avec les personnes qui n’ont qu’une ou deux ruches afin d’en améliorer le suivi. - En organisant un CA à Ouessant, tous les ans, pour faire un bilan en présence des Maires d’Ouessant et Molène, et de la presse locale. (Transparence)
- En développant des actions dans les écoles d’Ouessant et Molène et dans les classes découvertes PNRA. (Sensibilisation)
- En constituant une équipe de personnes adhérentes à l’ACANB sur Ouessant. Cette équipe permettrait à notre association de mieux s’ancrer sur l’île et de développer une dynamique en faveur de l’abeille noire et des questions environnementales en général.
SENSIBILISATION
Veiller à la conservation de l’abeille noire induit une réflexion aux questions environnementales et, par ailleurs, Ouessant voit le passage d’environ 100 000 visiteurs chaque année. A partir de ces deux éléments, l’association a souhaité développer des actions de sensibilisation du public aux problèmes environnementaux à travers l’abeille noire d’Ouessant:
- Informer le public en vulgarisant notre travail par l’organisation d’expositions, la diffusion de documents, de livres, en proposant des débats sur des sujets touchant à l’apiculture.
- Sensibiliser les enfants des écoles d’Ouessant et de Molène à l’abeille, ainsi que les groupes scolaires venant visiter l’île. Nous souhaitons travailler avec le PNRA (Parc naturel Régional d’Armorique) sur ces questions.
Une première action a eu lieu en septembre 2022 avec l’organisation d’une journée de l’abeille noire qui nous a permis d’échanger avec un large public.
TRANSPARENCE
L’ACANB, pendant trente ans, a assuré un bon suivi des colonies d’abeilles noires à Ouessant. Comme toute structure humaine, l’Association a traversé plusieurs crises. Il est primordial de retrouver des relations apaisées et de mettre en place des méthodes pour gérer positivement les désaccords. La transparence est un état d’esprit par le respect des personnes, des paroles données, par l’échange des informations, par l’écoute des avis et positions de chacun. Voici quelques outils qui ont été ou seront mis en place :
- Une « Charte de bonne conduite » a été mise en place et validée par l’AG d’octobre 2019.
- Une clause dite de « conflit d’intérêt » a été décidée par l’AG de 2018, demandant à tout administrateur ayant des liens contractuels ou financiers avec des fournisseurs ou des structures en contrat avec l’ACANB, et donc en situation de « conflit d’intérêt », de démissionner du CA.
- Un travail collégial a été mis en place depuis juin 2020. Le CA se réunit tous les deux mois et tous les administrateurs sont impliqués dans le fonctionnement de l’association. Ce travail collégial a pour corollaire l’application par tous les Administrateurs des décisions prises par ce CA.
- Un travail d’information régulier doit être fait auprès de nos adhérents. Cette transparence doit, bien évidemment, se retrouver dans nos comptes, nos budgets et nos actions. Elle concerne également nos pratiques apicoles, le respect du bien-être de nos abeilles.
- L’Association aura pour principe d’accepter des évaluations régulières par des organismes officiels et accrédités pour le faire.
Enfin et pour conclure ce projet, l’ACANB a décidé, lors de son CA du 8 novembre 2020, de demander son adhésion à la FEdCAN (Fédération Européenne des Conservatoires de l’Abeille Noire) et de céder son titre de conservatoire à une nouvelle entité unique lorsque celle-ci sera mise en place sur l’archipel de Molène et l’île d’Ouessant.
Voici le texte de la délibération :
« Suite aux orientations décidées lors de son l’AG en octobre 2020, l’ACANB demande à adhérer à la FEdCAN. Notre association souhaite qu’à terme, il n’y ait qu’un seul conservatoire sur l’île d’Ouessant et l’archipel de Molène. Aussi, quand les circonstances le permettront, l’ACANB cédera-t-elle sa fonction conservatoire à la nouvelle structure qui sera constituée pour ce faire. »
Ainsi notre association deviendrait « l’Association pour la Conservation de l’Abeille Noire » ; elle mettrait en œuvre les orientations et les décisions du nouveau conservatoire unique dans l’esprit de son projet décliné ci-dessus.
Mise à jour du document,
validée à l’unanimité au CA du 14 mars 2022